Tout au long de l’histoire, le cheveu afro a été un outil de revendication et d’appui pour les différents combats menés par les militants, avant de devenir lui-même l’objet d’un militantisme 2.0 en ligne. De l’Amérique à la France jusqu’en Afrique du Sud, le cheveu afro fait du bruit et se politise. Comment le cheveu afro est-il devenu politique ? L’est-il encore ?

Depuis les années 60

 

La diabolisation d’abord, la dépréciation ensuite, puis la revalorisation du cheveu, c’est le chemin qu’aura suivi le cheveu afro jusqu’aux années 60 aux Etats-Unis. Dans les années 60, les tensions raciales qui vont mener au combat pour l’égalité des droits pour les noirs, vont se libérer : ce sont les Civil Rights. Une période capitale de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique, qui mettra fin à la ségrégation et aux discriminations reposant sur la race, en les rendant illégaux. C’est aussi un moment clé de l’histoire pour les noirs américains et les noirs du monde entier.

En effet les Civil Rights vont être la vitrine la plus marquante de la révolution du cheveu afro. Les cheveux lissés/défrisés étaient devenus symboles de haine de soi.  Ils représentaient la période ou les noirs devaient gommer le plus possible leurs attributs négroïdes dont le cheveu était le principal représentant. Le cheveu devait être lisse pour correspondre au standard de beauté des blancs, pour effrayer le moins possible car les cheveux afro renvoyaient l’image d’un sauvage. Les chances de trouver un travail étant noire à cette époque étant déjà faibles, avoir les cheveux afro naturel amenuisait considérablement la possibilité d’être embauché quelque part.

Malcolm X & Mohamed Ali

Malcolm X & Mohamed Ali

Les cheveux lissés ou défrisé qui permettaient d’être accepté dans la société, résonnaient donc avec l’asservissement aux blancs et la soumission aux standards euro-centriques de beauté. Voilà pourquoi les cheveux lissés étaient incompatibles avec le combat des Civil Rights. Certaines figures emblématiques de l’époque comme Cassius Clay aka Mohammed Ali, Isaac Hayes ou encore Malcolm X sont donc passés à un cheveu court et crépus naturel dans le but d’être en accord avec leur identité noire.

 

C’est exactement dans le milieu des années 60 que le tournant sur l’identité noire et la symbolique de l’apparence va se faire. C’est ainsi que va naître le mouvement « Black is Beautiful », traduisez littéralement « Le noir est beau », avec l’idée véhiculée que les caractéristiques physiques d’un noir sont belles sans avoir besoin de s’adapter aux standards de beauté euro-centriques. Soit on cherchait à continuer à s’intégrer dans la société blanche, soit on cherchait à revendiquer sa négritude, ce qui passait par une coupe de cheveux naturels. Voilà comment l’Afro, coupe la plus naturelle chez la majorité des noirs, va devenir un des symbole fard des Civils Rights. A ce moment, il ne faisait plus aucun doute que le cheveu afro était un outil politique.

 

Les personnalités symboliques

 

Angela Davis a été le symbole de ce combat mené à travers la coupe de cheveu aussi. Mais elle n’était pas la seule. Plusieurs autre femmes et hommes se sont montrés avec leur coupe afro comme appui de leurs revendications.

Angela Davis

Angela Davis

Ainsi les consœurs d’Angela Davis dans le Black Panther party étaient toutes en Afro lorsqu’elles combattaient pour leurs droits. On peut citer Assata Shakur, une figure proéminente de ce parti et la mère du célèbre rappeur Tupac Shakur, qui elle aussi arborait fièrement son afro. Angela Davis tout comme Nina Simone, une grande chanteuse de Jazz, avaient toutes les deux senti l’urgence d’agir et de revendiquer leur identité noire suite aux attaques à la bombe d’églises pour noirs à Birmingham, par le Ku Klux Klan, une petite ville dans l’état d’Alabama. Nina Simone sortira une célèbre chanson suite à ces attentats racistes de Birmingham : Mississipi Goddam. Elle commencera ensuite à se produire en arborant une coupe afro courte, qu’elle ne quittera plus jamais.

Nina Simone – Mississipi Goddamn

L’industrie du cinéma a aussi porté le combat activiste de l’afro en la personne de Pam Grier qui jouait des rôles valorisants tout en portant fièrement son afro.

Pam Grier

Pam Grier

C’était une révolution de voir cela à l’époque et même si le coté valorisant ou non de ses rôles a été sujet de débats, il n’empêche que ses rôles ont donné une visibilité inédite aux cheveux afro. La symbolique que porte l’Afro dans cette période va être cassée par la vulgarisation de la coiffure Afro par des films qui font partis de ce qu’on appelle « Blaxploitation », un nom qui dénonce le fait que l’image des noirs était utilisée pour véhiculer des images stigmatisantes et négative des personnes noires. Les truands et les trafiquants de drogues étaient noirs avec des afros, ou alors on rendait l’afro comique et ridicule par le fait d’y cacher des objets.

 

Le cheveu afro est-il politique en Europe ?

 

Christiane Taubira

Christiane Taubira

En France, l’afro et la politique sont beaucoup moins souvent liés. On peut parler de la nomination en 2019 de Sybeth N’diaye, qui arborait des coiffures afro lors de ses apparitions publiques. Etant la porte-parole du gouvernement à ce moment-là, l’image était forte et inédite. Mais il y avait déjà eu auparavant Christiane Taubira Ministre de la Justice, qui a toujours porté ses tresses collées tout le long de l’exercice de ses fonctions dans le gouvernement. Elle a essuyé de vives critiques et ne s’est jamais laissée atteindre.

Assa Traoré

Assa Traoré

Activisme et afro, c’est un thème qui a aussi sa place en France. Lors des manifestations contre les violences policières, portée par Assa Traoré, cette dernière porte une coiffure afro qu’on peut la voir arborer à chacune de ses apparitions publiques. Étant devenue une figure importante de la lutte antiraciste en France, son apparence semble aussi revendicative de son identité noire grâce à cette coiffure.

 

On ne peut pas parler de militantisme antiraciste sans parler de Rokhaya Diallo qui porte le combat publiquement depuis déjà quelques années. Elle a notamment sorti un livre retraçant l’importance, la symbolique et les combats du cheveu afro. Le livre intitulé Afro ! est sorti en 2015, venant compléter les rares ouvrages disponibles dans les pays francophones sur l’expérience des afro-descendants avec leurs cheveu afro ou l’histoire du cheveu afro. Rokhaya Diallo porte elle-même son afro court notamment lors de ses nombreuses prises de paroles sur les plateaux-télé ou lors d’évènements publiques. Enfin Fatou N’diaye, une bloggeuse qui a gagné en popularité suite à ses prises de positions sur le cheveu afro naturel pourrait aussi être considérée dans le militantisme autour du cheveu afro. En effet elle et plusieurs autres bloggeuses, youtubeuses, ont mené un militantisme 2.0 sur internet avec leurs articles, vidéos revendiquant l’urgence du retour au naturel pour les Afro-descendants.

 

En Afrique du Sud aussi, révolution du cheveu afro !

 

Ailleurs dans le monde, le militantisme se traduit par le port de son cheveu afro, surtout lorsqu’il s’agit de militer pour son droit de porter ce même afro sans être renvoyé de son école. C’est le cas des jeunes filles du lycée Pretoria Girls High en Afrique du Sud, qui se sont vu interdire leurs coiffures de cheveux naturels. En effet le code de conduite de cette école demandait aux jeunes filles de défriser leurs cheveux. Après avoir défié cette règle en laissant leurs cheveux afro naturels, certaines jeunes filles ont organisé une grève. Leur message était très clair « le temps est venu » « ça fait trop longtemps », sous-entendu trop longtemps que cette règle persiste. Une photo d’une jeune fille avec son afro et ses poings levés en signe de protestation face à un professeur blanc, a fait le tour des journaux internationaux. Les jeunes filles finiront par avoir gain de cause après l’intervention du ministère Sud-Africain de l’éducation. Les règles discriminatoires sur le cheveu afro seront supprimées.

Manifestation à Pretoria Girls High

C’est en 2016 que se déroule cette dernière affaire et c’est frappant que des adolescentes aient à se battre pour une question de respect, de bon sens, contre des adultes qui eux sont responsables de l’éducation de ces même jeunes filles. Le militantisme a été et va probablement rester la voix de l’émancipation du cheveu afro. Il prend aujourd’hui la forme 2.0 par les réseaux sociaux, par la voix des influenceurs et personnalités qui véhiculent tous les jours un cheveu afro aux vu de tous afin de le normaliser, le valoriser.