Une introduction aux significations du cheveu afro en Afrique précoloniale, a été présentée dans la page Histoire. On peut maintenant tenter de développer cette partie importante de l’histoire du cheveu afro mais qui reste flou même pour ceux qui s’informent déjà sur le sujet. Les sources restent assez rares et donc l’information a souvent été transmise par voie orale. Cependant quelques archives, photos et documentaires permettent de mettre en évidence un fil conducteur à propos du cheveu afro. Voici une synthèse des significations, utilisations et croyances autour du cheveu afro en Afrique.

Origine et science 

 

Les cheveux sur le continent africain sont très différents et varient beaucoup en termes de texture et d’aspect. Il est dit que les scientifiques, attribuent cette texture crépue/bouclée à une protection naturelle du cuir chevelu contre les rayons du soleil. Le chercheur et enseignant en humanités classiques Africaines Jean-Philippe Omotunde soutient cette théorie et nous en apprend plus lors de ses conférences : au temps des pharaons, le style capillaire était déjà important. Plusieurs dessins et sculptures laissés dans les temples et tombeaux Égyptiens attestent du fait qu’ils se coiffaient en longues tresses ou portaient des perruques imitant les tresses.  Les peignes afro découverts dans les vestiges Égyptiens montrent qu’eux aussi avaient des cheveux crépus et s’en occupaient. C’est donc la même attention au domaine capillaire qui va se transmettre et qu’on va retrouver dans le reste de l’Afrique.

Les rôles du cheveu afro : points communs

 

Une chose reste assez constante quel que soit les régions, les ethnies, il était un outil de communication non-verbale. Pour visualiser, on va prendre comme exemple les Himbas de Namibie : reconnaissable par des cheveux coiffés en dreadlocks à l’aide de graisse animale et d’argile rouge. C’est l’un des peuples africains qui a été le plus documenté, en vidéo par Greg Cameron OMUMBIRI, Jimmy Nelson et Silvio Boer.

Jeune fille Himba disponible pour le mariage.

Parmi les points communs aux africains, le cheveu exprime le statut marital : chez les Himbas les jeunes filles qui ne sont pas encore prêtes pour le mariage portent leurs locks en les laissant retomber devant le visage. Lorsqu’elles sont prêtes pour le mariage, alors les locks peuvent être portées sur le côté du visage de manière à révéler le visage au potentiel futur mari.

 

Femme mariée Himba

Lorsque les femmes Himbas sont mariées elles ornent leurs têtes d’une peau de chèvre. Pour citer d’autres peuples, chez les Wolofs du Sénégal, les jeunes filles qui n’étaient pas d’âge à se marier, avaient la tête partiellement rasée. Chez les Fulanis, peuple présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’ouest, lorsque la jeune fille n’était pas encore en âge de se marier elle avait les cheveux ornés de perles de couleur ambre et des pièces. Les femmes mariées, elles, portaient de plus grands ornements de couleur ambre.

Lors du deuil, le point commun entre les différentes ethnies est qu’on ne coiffait plus les cheveux pour montrer sa douleur. Les femmes Mendé (peuple de Sierra Leone) ne devaient plus coiffer leurs cheveux dès lors que leur mari partait en guerre puisqu’il risquait d’y mourir. De cette manière elle était mieux préparée à acceuillir la nouvelle. Chez les Himbas, les hommes mariés portent normalement un tissu sur la tête : ils enlèvent ce tissu pour garder leurs cheveux sans coiffure le temps du deuil.

Enfant Himba

Pour ce qui est des enfants, ils avaient eux aussi des coiffures spécifiques dans chaque ethnies. La constante est qu’ils étaient souvent rasés entièrement ou avaient une partie de la tête rasée. Chez les Himbas :  ils portent deux tresses collées tressées vers l’avant et couvrant le visage. Lorsqu’il s’agit de jumeaux, l’un d’eux porte alors une seule tresse collée tressée vers l’avant.

 

Les hommes et les coiffures anciennes africaines

 

Les hommes aussi ne sont pas en reste, dans chaque ethnie, ils avaient une coiffure qui définissait le statut de guerrier. On peut le voir avec l’exemple de l’Amasunzu au Rwanda. Il y a aussi l’exemple des hommes Maasaï qui coiffent leurs cheveux en longues tresses fines, tandis que les femmes rasent leurs cheveux. Pour les jeunes hommes la coiffure changeait lors du passage à l’initiation. Après cela ils étaient prêts à se marier.

Jeune homme Himba

Revenons aux Himbas : les jeunes hommes himbas portent une natte sur le haut du crâne.

Sans oublier qu’un homme pouvait aussi marquer son statut royal ou de classe noble grâce à sa coiffure. Le statut royal était aussi valable pour les femmes et se caractérisait par des coiffures sophistiquées et ornées. Le statut royal permettait de porter un tissu ou une coiffe sur la tête.

 

Esthétique

 

Jeune fille Wodaabe

Si on met de côté le coté symbolique des cheveux, il servait aussi et surtout à l’esthétique. Pour atteindre cette esthétique désirée, différentes méthodes de soins étaient utilisées en fonction de l’environnement. On observe une différence majeure entre les régions d’Afrique de l’ouest et l’Afrique australe. C’est à se demander plutôt si ce n’est pas une différence entre les peuples sédentaires et les peuples nomades. On utilise de l’huile de palme et des perles ou coquillages chez les africains de l’ouest, tandis que l’Afrique australe utilise des styles qui protègent le cheveu et le cuir chevelu : de la graisse animale, des extensions en poil d’animal et de la terre comme on l’a vu plus haut avec les Himbas. Ici on a l’exemple des Wodaabe qu’on appelle aussi les Mboro, une ethnie connue pour le chignon en afro à l’avant de la tête. C’est une ethnie nomade qu’on retrouve principalement au Tchad. En plus de la graisse animale, les Wodaabe utilisent des écorces et herbes séchées écrasés qu’ils appellent poudre de chébé (Cette poudre à été récemment rendue populaire par la youtubeuse Miss Sahel, après son reportage sur les très longs cheveux de femmes noires du sahel qui entretenaient leurs cheveux avec différents ingrédients dont de la poudre appelée chébé)

 

On peut aussi citer les femmes du Nigéria avec ces multiples coiffures faites de tresses au fil ou simplement de nattes. Le photographe J.D Okhai Ojeikere qui souhaitait faire le portrait des coiffures de son pays, a photographié plus de 1000 coiffures. Les coiffures ont été créées au fur à mesure par des artistes coiffeuses sur des femmes qui choisissaient leurs coiffures selon leurs goûts.

 

Une sélection de ces photographies ont été exposées à Douala, Amsterdam, New York, Paris. Je vous invite à découvrir de plus près les photos de ces magnifiques coiffures par ici.

Coiffures anciennes et croyances

 

Pour terminer, les croyances autour du cheveu voulaient que ce soit un portail spirituel de l’âme vers le ciel, puisque c’est ce qui se trouve sur la partie la plus élevée du corps humain. Dans la tradition Wolof, il était dit qu’une femme peut rendre un homme fou d’elle en utilisant un bout de cheveu pour invoquer les esprits. De ce fait dans certaines ethnies, seules certaines personnes exerçant des métiers spécifiques étaient désignées pour coiffer. Dans d’autres ethnies du Ghana et Sénégal, les femmes et les hommes se coiffaient chacun entre personnes du même sexe. Certains ne se faisaient coiffer que par quelqu’un de la même famille pour éviter tout risque au niveau spirituel. Au Cameroun, le cheveu était tellement spirituel qu’il était utilisé pour protéger les fioles de médicaments.

Autant de valeurs données aux cheveux afro ont été perdues lors de l’esclavagisme, mais aussi lors de la colonisation. En effet les colonisateurs qui arrivaient souvent avec une religion imposée aux africains, finissaient par interdire certains rites et même coiffures. C’est le cas de l’Amasunzu du Rwanda qui était jugé comme étant du paganisme.

Coiffures anciennes et actualités

 

On ne peut pas nier la grande valeur qu’avait le cheveu pour un Africain avant l’arrivée des européens sur le continent. Ces valeurs ont bien sûr survécu et transparaissent dans l’Afrique d’aujourd’hui, les Himbas, les Yorubas, les Fulanis, les Zulus et tant d’autres utilisent encore ces coiffures malgré qu’elles soient beaucoup moins répandues. Avec le retour au naturel, les gens et notamment les créateurs ou personnalités publiques s’intéressent beaucoup aux coiffures anciennes pour les arborer lors de grandes cérémonies.

  • Alicia Keys lorsqu’elle explosait sur la scène musicale, arborait des tresses d’inspiration Fulani.
  • Rihanna a porté des bantu knots pour la couverture d’un célèbre magazine.
  • Lupita N’yongo avait une coiffure inspirée de l’Amasunzu lors d’une apparition sur le tapis rouge.
  • Rihanna a récemment fait la couverture de Vogue avec une ancienne coiffure malgache : randrana « Betsimisaraka ».

Alicia Keys avec une coiffure inspirée Fulani

Coiffure malgache : randrana « Betsimisaraka »

 

Rihanna : Coiffure Bantu Knots

 

 

 

 

 

Lupita : Coiffure inspirée de l’Amasunzu

 

Ces reprises de coiffures anciennes sont vues comme des hommages par certains, mais d’autres le voient comme de l’appropriation culturelle. Ce qui est sûr c’est que ces stars remettent les coiffures au goût du jour et permettent à certaines personnes qui ne s’y intéressaient pas de découvrir leurs origines.

 

Il faut aussi souligner que des strars Africaines de la chanson mettent aussi régulièrement en avant ce type de coiffure. On peut citer Tiwa Savage ou encore Yemi Alade.

Tiwa Savage lors du video clip pour son single « 49-99 »