Ce mot renferme une pléiade d’histoires, de controverses, tout en étant un concept qui a aujourd’hui permis de poser les premiers mots revendicatifs du 21ème siècle sur le cheveu afro. Aujourd’hui, ou du moins ces 10 dernières années, une certaine communauté de femmes vous dira s’être reconnue dans ce mot « nappy ». Mais que désigne-t-il au juste ?

 

Nappy « natural & happy »

 

C’est une contraction des mots « natural » et « happy », mais plus que cela, c’est une fusion des sens de ces deux mots. Le terme « nappy » est un terme chargé et pensé dans un but précis : permettre l’émancipation de la femme noire au regard des standards de beauté européens du cheveu. En des termes plus simples, être nappy, c’est porter ses cheveux dans leur état naturel, tout en étant heureuse et fière d’arborer l’esthétique première du cheveu afro. La population directement concernée, n’est autre que les femmes noires. Plusieurs d’entre elles maîtrisent aujourd’hui le langage et les gestes nappy. Une maitrise qui vient souvent avec un manque de connaissance, la construction et déconstruction des stigmates assignés aux cheveux afros, ou plus généralement son histoire.

L’histoire : Comment s’est construite la stigmatisation du cheveu afro ?

Cette signification positive du mot viendra après des années de combats et de revendications. Nappy était initialement un mot négatif et insultant pour les personnes noires aux États-Unis, durant les périodes de ségrégation. C’est le mot qu’avaient trouvé les maitres d’esclaves pour décrire la texture et l’état des cheveux des esclaves. L’histoire du cheveux nappy est intrinsèquement liée à l’histoire des noirs aux États-Unis. Elle couvre la traite négrière, l’abolition de l’esclavage, l’émancipation des Noirs, leur médiatisation et leur condition actuelle. En Afrique, le cheveu avait une place de choix dans les coutumes, croyances et attirails de beauté, on pourrait parler d’une culture du cheveu en Afrique, composée de sous-cultures en fonction des groupes ethniques et des classes sociales. C’est un sujet très vaste et qu’il est important de visualiser pour comprendre l’importance qui est donnée à une caractéristique essentiellement considérée esthétique et superficielle de nos jours. Pour cela rdv dans la page Histoire accessible dans le menu principal.

Depuis le temps des bateaux négriers qui transportaient les esclaves, les cheveux des Noirs étaient déjà visés. Les cheveux des esclaves étaient simplement coupés et l’on évoquait des raisons sanitaires : cela aurait permis d’éviter les infections, poux et parasites qui contamineraient tout le bateau alors que les voyages vers les Amériques duraient des mois. Dans le système de pouvoir mis en place par le système esclavagiste, la pratique avait comme but également l’aliénation, c’est-à-dire l’effacement de la valeur culturelle qu’avait le cheveu en Afrique, le caractère de repère social et communicatif qu’il constituait. Pour celles et ceux qui arrivaient sur place avec leurs cheveux, il était difficile de s’en occuper car aucun temps n’y était consacré entre les longues et pénibles tâches qui incombaient aux esclaves. De plus, les outils tels que les peignes en bois et l’huile de palme qu’ils utilisaient en Afrique, n’étaient plus disponibles pour l’entretien du cheveu dans ce nouvel environnement. C’est ainsi que la culture et l’éducation sur l’entretien du cheveu ont progressivement disparu.

 

Les maîtres d’esclaves décrivaient le cheveu afro comme sale, sauvage, repoussant : c’est cette connotation négative que portait le mot nappy à la période de l’esclavage et de la ségregation. Les maîtres d’esclaves liaient la valeur d’un esclave à son type de cheveux et la couleur plus ou moins claire de sa peau. Plus un esclave était clair de peau et moins il avait des cheveux crépus ou bouclés, plus il valait cher. Un esclave noir avec des cheveux crépus pouvait être jusqu’à 8 fois moins cher. Le rôle plus ou moins valorisant d’un esclave dépendait aussi de ses attributs esthétiques. Ainsi, la texture des cheveux et la couleur de peau déterminaient si l’esclave était esclave de maison ou travaillait dans les champs, ce qui était différent en termes de confort et de pénibilité des tâches.

Cette valorisation de la personne par l’esthétique s’est au fur et à mesure transmise à l’intérieur de la communauté noire elle-même. Un des exemple frappant est celui d « comb test », traduisez « le test du peigne ». Les Noirs se réunissaient le dimanche à l’église pour leur jour de repos. Dans certaines églises, on pratiquait le test du peigne, en passant un peigne fin dans les cheveux. Il n’était alors possible de rentrer dans l’église que si le peigne avait glissé à travers la chevelure de la personne soumise au test. Ce qui excluait automatiquement toute personne aux cheveux crépus. L’aliénation qui avait commencé depuis les bateaux négriers suivait ainsi son cours dans la nouvelle société où vivaient les Noirs aux Etats Unis. Suite à tout cela, plusieurs techniques de dénaturation du cheveu crépus et bouclé ont été développées : le peigne chauffant, dit « hot comb », et le défrisant chimique. Ce dernier va devenir un indispensable pour chaque personne noire souhaitant s’intégrer dans la société occidentale et finira par rentrer dans la culture du cheveu afro de manière générale au niveau mondial, y compris en Afrique. Dans un prochain article du blog, le défrisant chimique sera vu sous toutes les coutures.

 

 

  • Différents combats sociaux ont rendu le cheveu éminemment politique : c’est un aspect qu’on retrouve encore aujourd’hui dans le concept de « nappy ». Cet aspect important sera détaillé dans la partie « Histoire » accessible dans le menu principal.

Autour du cheveux afro vont se construire des représentations sociales : Quels en étaient les codes ?

  • L’évolution des réprésentations sociales du cheveu afro va se faire à travers des ères spécifiques et sont décortiquées dans la page Histoire accessible dans le menu principal.

D’un point de vue linguistique, le dictionnaire en ligne d’Oxford définit « nappy » comme un mot désignant une couche de bébé ou de manière informelle les cheveux frisés et crépus en référence aux personnes noires. On peut aussi citer l’expression « bad hair », qui est apparue en complément du mot « nappy », pour être plus explicite sur la considération de ce type de cheveux. Des représentations sociales sont nées de ces considérations. Les Noirs entre eux se jaugeaient avec ces mêmes mots, comme pour l’exemple du « comb test ». Par opposition, il y avait les « good hair », qui étaient des cheveux lisses soyeux et brillants, ce qui est une description du type de cheveux caucasien le plus répandu. Avoir de mauvais cheveux « bad hair », c’était avoir les cheveux crépus, alors que avoir de beaux cheveux « good hair », c’était avoir des cheveux qui se rapprochent au plus des cheveux caucasien.

Il est intéressant de voir que l’histoire nous suit encore aujourd’hui, quand on voit les différentes références faites aux représentations sociales du cheveu afro dans le milieu audio-visuel, entre-autres dans le milieu musical. Ceci n’est pas anodin si on se rappelle que le cheveu afro a été médiatisé à travers la musique jazz des noirs. Cela est détaillé dans la page ‘histoire’ du site.

Jazz

Louis Armstrong – Musicien Jazz

Aujourd’hui, les cheveux sont encore source de représentation dans la musique : lorsque Beyoncé faisait référence dans son titre « sorry » à « Becky with the good hair », elle désignait de manière subtile le fait que cette femme nommée Becky serait blanche puisqu’elle a des « good hair ». On peut donc voir que malgré le temps passé, les lourdes connotations négatives survivent. C’est pourquoi certaines personnes, Américaines notamment, se refusent à utiliser le mot « nappy » au profit du terme « natural hair ». C’est aussi le cas de certains influenceurs français conscients de la portée historique de ce mot, comme Fatou Ndiaye du blog Black Beauty Bag. Cependant, dans les prémices du mouvement « nappy » aux USA, ce mot avait été réclamé par les Afro-américains dans le but de le rendre positif, en y attachant une nouvelle image de fierté et d’acceptation. C’est la raison pour laquelle les bloggeurs et influenceurs ont popularisé le mouvement autour du cheveu afro sous ce nom qui fait un lien indéniable avec l’histoire. Un article sera consacré à la manière dont l’effervescence autour du cheveu afro et la prise de conscience a pris forme à travers les influenceurs sur internet.